Le cri de la terre by Sarah LARK

Auteur:Sarah LARK [LARK, Sarah]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Archipel
Publié: 2015-09-01T22:00:00+00:00

7

Quand, plusieurs mois plus tard, Gloria arriva à Sydney, en rage contre les hommes qui utilisaient son corps sans scrupule et qui, ensuite, n’étaient même pas disposés à payer les menus suppléments qu’elle leur réclamait en échange de « services particuliers », elle était sur le point de haïr le monde entier. Il ui arriva plus d’une fois de devoir exhiber son poignard pour les y contraindre, étonnée d’ailleurs de voir que cela fonctionnait. Les provinciaux, assez inoffensifs au demeurant, qui voulaient juste profiter de la chance s’offrant à eux d’exploiter une créature plus faible et plus impuissante qu’eux baissaient pavillon au premier éclat de la lame d’acier. Un bandit comme le steward n’aurait eu aucun mal à la désarmer, voire à se venger de manière sanglante. Mais peut-être ces hommes prenaient-ils peur à lire la haine et l’envie de meurtre dans ses yeux quand elle sortait son couteau. Tant qu’elle était soumise à leur bon vouloir, elle donnait l’impression de la tranquillité et de la faiblesse, encaissant sans un mot l’argent qu’on lui devait. Mais, si on lui refusait son dû, elle devenait une véritable furie.

Elle détestait aussi les filles de joie qui n’acceptaient pas la présence d’une nouvelle sur leur territoire. Dans ce cas aussi, son couteau lui était utile, car elles étaient trop endurcies pour se laisser impressionner par de simples menaces. À deux reprises d’ailleurs, elle se retrouva dans le ruisseau, rouée de coups ; la seconde fois, son adversaire lui vola de surcroît son gain de la journée. Elle n’était pourtant pas une véritable concurrente pour les putains locales, car les hommes qui allaient avec elle étaient plus en quête de pratiques particulières que des services rendus par ces dames.

Gloria avait fini par se rendre compte que c’était son crâne rasé qui fascinait les hommes. Ayant d’abord pensé que cette coiffure nuirait à son commerce, elle avait remarqué que les hommes aux penchants pervers trouvaient son apparente calvitie irrésistible. Elle avait donc continué à se raser. C’était aussi un moyen de lutter contre la vermine, car, même si elle ne gagnait plus sa vie dans des conditions aussi épouvantables que sur le Niobe, il y avait aussi des puces dans les granges et les remises où elle entraînait ses clients. Elle préférait de loin les plages où, à l’abri de la saleté, elle se laissait bercer par le bruit du ressac tandis que les hommes prenaient leur plaisir.

Gloria haïssait aussi les femmes honorables et les commerçants chez qui elle achetait ses maigres vivres, le contentement de soi des premières quand elles croisaient la putain Gloria, et le peu de disponibilité des seconds à lui venir en aide. Elle avait pour habitude de se déplacer le jour, déguisée en garçon, et de ne se transformer en femme que la nuit. Dans ses habits d’homme, elle se sentait davantage en sécurité et se dissimulait aux yeux des filles de joie hostiles à toute concurrence « itinérante ». Cela lui permettait aussi de chercher du travail afin d’épargner assez pour payer la traversée vers la Nouvelle-Zélande.

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